Adolescent à la fin du siècle dernier, durant les années 90, j’ai été biberonné à Donjons & Dragons, Warhammer et autre Magic the Gathering. J’avais donc eu l’œil immédiatement attiré chez mon dealer local par une cartouche Mega Drive dont la couverture était ornée d’un magnifique chevalier dans son armure d’or au recto, et dont le verso promettait des combats épiques et tout un tas de statistiques qui sentaient bons le jeu de rôle. Un nom inconnu, le jeu n’ayant pas bénéficié de campagne marketing en nos contrées : Warsong. Et un éditeur inconnu : Treco.

J’avais alors fait ce qu’il ne fallait jamais faire, à savoir acheter un jeu pour sa jaquette. De retour chez moi, grosse déception ! On ne joue pas directement les personnages : on les déplace sur une carte et il faut leur donner des ordres via un menu. En plus, je n’arrive pas à contrôler tous les membres de mon équipe, et dès le premier combat quasiment tous mes alliés se font tuer. Pensant le jeu bogué, j’avais alors abandonné, dégouté de cet achat inutile à une époque pré-internet et pré-Game Pass où il était difficile de trouver de l’aide en cas de blocage et où chaque jeu représentait un investissement important.

Warsong, ou la quintessence du tactical RPG
Et pourtant… Sorti en 1991, Warsong était en fait l’adaptation pour le marché américain par Treco d’un titre fondateur d’une fantastique licence de tactical RPG : Langrisser. Je crois que j’avais laissé traîner la cassette plus d’un an à l’époque avant de retenter l’expérience un soir d’ennui. Et ce fut alors LA révélation ! Ayant gagné quelques poils au menton, et commençant à sortir de l’âge bête (un peu tard, comme tous les garçons) je me suis rendu compte que ce que j’avais pris pour un bug était en fait une scène scriptée : le premier combat ne peut pas être gagné, l’objectif est simplement de faire fuir le héros.

Quand aux contrôles des personnages à déplacer sur une carte : tout simplement le principe des jeux de rôle dits « tactiques ». Warsong pousse le concept assez loin puisqu’au début de chaque mission le joueur est invité à recruter pour chacun des caractères principaux (nos généraux) une petite armée, jusqu’à huit bataillons composés de dix unités à choisir entre soldats, cavaliers, archers… La subtilité étant d’une part qu’en fonction du général, certains types d’unité seront disponibles ou non (aérienne avec des dragons ou maritime avec des lézards par exemple), et d’autre part que chaque type d’unité va être avantagée ou désavantagée par rapport à d’autres : cavaliers > soldats, lanciers > cavaliers, soldats > lanciers, etc.

En progressant dans le jeu, on se retrouve rapidement à devoir gérer entre quatre et huit généraux, avec les archétypes habituels : guerrier, magicienne, soigneuse. En leur assignant à chacun leurs huit bataillons, ce sont potentiellement 72 unités (représentant chacune un général ou de ses bataillons) qu’il faudra déplacer et faire agir à chaque tour, ce qui permet de mettre en place de belles stratégies, à condition d’accepter de consacrer beaucoup de temps au jeu.

Autres subtilités : chaque général a une zone d’influence qui lui permet d’octroyer certains bonus à ses troupes, il faut donc bien réfléchir aux déplacements, et à chaque tour il régénère automatiquement les bataillons placés sur l’une de ses quatre cases adjacentes. Il est aussi possible de récupérer sur certaines cartes quelques rares objets qui pourront être confiés à l’un des généraux en début de mission, chaque objet accordant certain bonus.

Le scénario, classique, révèle ses quelques surprises, et comprend même quelques embranchements en fonction de l’issue de certains combats, ce qui aura une influence sur les généraux jouables. Il est bien amené via quelques dialogues rapides en début et fin de mission. C’est plaisant et surtout jamais lourdingue – rien à voir par exemple avec le très joli Triangle Strategy dont on a pu télécharger la démo en début d’année sur Switch et qui s’est révélé trèèèèèèèès bavard.



Évidemment, il s’agit bien d’un RPG : les généraux ont chacun leur histoire et le scénario permet de suivre l’évolution de leurs relations. Les combats permettent de gagner des points d’expérience (à condition qu’ils aient lieu dans la zone d’influence du général, une petite subtilité qu’il m’a fallu beaucoup de temps à comprendre) qui permettent à chaque général de monter en niveau.



Tous les trois niveaux des avantages plus importants sont débloqués (extension des zones affectées par les sorts par exemple) et au dixième niveau il est possible de changer de classe, ce qui débloque de nouveaux pouvoirs et l’accès à de nouveaux types de soldats MAIS fait revenir le général au niveau 1. Vers la fin du jeu, il peut donc être plus avantageux de rester sur un général avec une classe moins puissante mais d’un niveau plus élevé. En fait, dès le début du jeu – oui, cela inclut aussi cette première bataille scriptée qu’il est impossible de gagner – il est essentiel de planifier soigneusement qui va combattre, et donc gagner des points d’expérience.

Je me souviens avoir planté ma première partie en privilégiant les combats avec un général très fort, mais qu’il est impossible de conserver après les premiers scénarios (il se fait tuer à la fin d’une mission – à l’époque je pensais avoir mal joué et avais donc recommencé plusieurs fois pour sauver ce personnage auquel je m’étais attaché, avant de me rendre compte que c’était impossible…). Il est donc judicieux de le faire combattre au minimum afin de réserver les points d’expérience aux autres généraux.


Trente ans plus tard
Bref, vous l’aurez compris, ce jeu est pour moi une pure merveille, l’un de mes préférés sur Mega Drive, celui qui m’a fait découvrir le symptôme bien connu du « juste un dernier tour et j’arrête » sans fin, et pour lequel j’ai séché plusieurs fois le lycée. Celui dont les musiques m’ont le plus marqué et que je vous invite à découvrir séance tenante si vous ne le connaissez pas.
Et pour cela : bonne nouvelle, la version originale japonaise et sa suite, Langrisser 1 et 2 donc, ont bénéficié en 2020 d’un remake HD disponible sur Playstation 4 et Switch (et PC mais comme aucun être doué de raison ne joue sur PC pour autre chose que Magic Arena ça ne compte pas). A titre d’information, comme je souhaitais bénéficier des meilleures conditions pour y jouer, j’ai évidemment choisi la version Switch.
Ayant refait récemment les deux titres, qu’en dire ? D’abord, visuellement, c’est propre, trop propre même. J’aimais beaucoup les visuels d’époque, je trouve la DA de ces nouveaux jeux un peu lisse. Il est possible de choisir des musiques et des visuels « classiques », ce qui est appréciable, mais on a parfois un peu l’impression de jouer sur un titre téléphone portable. Beaucoup plus gênant à mon sens : il n’est pas possible de donner aux personnages les noms qu’ils avaient dans la version occidentale. J’ai eu beaucoup de mal à m’adapter aux nouveaux, pour moi Warsong ce sont les aventures de Garett, Baldarov et Mina, et j’ai regretté de ne pas avoir la possibilité de les renommer comme dans la plupart des RPG.

En ce qui concerne le scénario, ces nouvelles versions conservent la trame des jeux originaux – encore heureux me direz-vous ! On retrouve donc les missions classiques avec les différents embranchements. Nouveauté appréciable : il est possible de visualiser sur un grand diagramme le chemin suivi parmi les différentes possibilités.

Reste le plus important : le game play. Et autant le dire clairement, j’ai été déçu. Le jeu a été simplifié par rapport à la version originale. Le nombre de bataillons par généraux a été bridé, passant de huit à quatre en début de partie, donc moitié moins, et pouvant monter jusqu’à six en fin de partie. Non seulement c’est toujours moins que dans la version originale, mais en plus ce n’est pas vraiment indispensable.

Pour contrebalancer cette impression de vide, les développeurs ont augmenté le compteur de points de vie, pouvant aller au-delà de 100. Évidemment, cela est complétement artificiel et ne rend pas les batailles plus impressionnantes pour autant. Au contraire, cela diminue la lisibilité. Autre différence importante : les généraux n’ont plus la possibilité de se soigner directement, il faut impérativement soit passer par un sort de soins soit monter en niveau. Cette dernière condition est en fait plus simple car le système a été simplifié. La montée en niveau est plus régulière, et ne conditionne plus le changement de classe qui est soumise à un nouveau compteur. Conséquence : les personnages étant toujours plus puissants, il y a beaucoup moins à réfléchir avant de les faire changer de classe.

Autre conséquence importante : comme il y a moins d’unités en jeu, le quadrillage des cartes a été revu. Par exemple : tel pont qui dans la version originale avait une largeur de trois cases, se retrouve maintenant avec une largeur de deux cases. Donc là où il était auparavant nécessaire de penser une stratégie de protection des unités faibles contre tel type d’ennemi entre deux colonnes d’unités mieux adaptées, il s’agit maintenant de passer en force.

Enfin, là où le recrutement des bataillons en début de combat demandait de faire des choix, chaque bataillon ayant un certain coût, dans ces nouvelles versions on a rapidement tellement d’argent à disposition qu’on peut dépenser sans vraiment devoir faire attention. Il y a plus d’objets disponibles (deux à récupérer sur chaque carte), et on peut aussi en acheter si nécessaire. Ce qui devrait rajouter une complexité ne l’est pas vraiment en pratique : la multitude des objets n’impose plus de choisir avec autant d’attention à quel personnage les affecter, et l’abondance budgétaire permet d’acheter tout ce qu’on veut sans difficulté.

Cette absence de difficulté est d’ailleurs la plus grosse différence avec le jeu original. Alors que Warsong représentait un réel challenge, j’ai terminé les deux remakes quasiment d’une seule traite, avec au maximum trois game over sur les deux parties.

Comprenez-moi bien : ces jeux sont plaisants, j’y ai passé une cinquantaine d’heures agréables pour mener à leur terme les campagnes, mais ils sont nettement plus simples que la version originale. C’est un peu « Warsong pour les nuls » : du bel ouvrage, bien fait, efficace, idéal pour découvrir MAIS un peu léger pour ceux qui connaissent bien le sujet.
Conclusion
Bon, soyons clair, Warsong / Langrisser est une licence majeure du tactical RPG, je l’aime d’Amour et j’espère vous avoir donné envie de la découvrir si vous ne la connaissiez pas.
Les jeux originaux sont encore accessibles à prix raisonnables sur le marché de l’occasion, et y jouer sur émulateur est bien sûr tout à fait possible. Attention, je ne suis pas certain que la sauvegarde fonctionne encore sur les cartouches car il devait y avoir une pile pour cela, mieux vaut tester avant achat si possible.
Pour ceux qui désirent découvrir ces jeux en douceur, les remakes sont une excellente porte d’entrée. Je vous invite juste, si vous les appréciez, à ne pas vous y arrêter et à avoir la curiosité de relancer les jeux originaux pour une expérience à mon sens plus pure et plus exigeante.
En tout cas, d’excellents moments en perspective !
J’aime | J’aime pas |
L’ambiance héroïc fantasy | La DA un peu fade des remakes |
La profondeur de jeu | La facilité des remakes |
Les musiques | Le nom des personnages des remakes |
NOTE : incontournable pour tout amateur de Tactical-RPG ! / 20
Votre commentaire